Santé Publique France recommande un meilleur encadrement de la publicité alimentaire à destination des enfants et des adolescents

15 juillet 2020
Dans un rapport publié le 24 juin 2020, Santé Publique France a évalué l’exposition des enfants et adolescents aux publicités pour les produits alimentaires. D’après ce travail, plus de la moitié des publicités vues par les enfants et les adolescents concernent des produits gras, salés, et/ou sucrés. Un constat inquiétant alors que l’impact des maladies chroniques ne fait qu’augmenter et que l’influence du marketing alimentaire sur les choix alimentaires est clairement établie scientifiquement. L’agence publique recommande ainsi l’interdiction de la publicité pour les produits alimentaires de faible qualité nutritionnelle (Nutri‑Score D et E) durant les tranches horaires où le plus grand nombre d’enfants et d’adolescents regardent la télévision ou surfent sur internet. Cette recommandation s’inscrit dans la lignée des conclusions de la conférence EGEA 2018 visant à rendre le système alimentaire plus sain.

 

Depuis 1975, le nombre de personnes touchées par l’obésité dans le monde a été multiplié par trois1. La consommation excessive d’aliments de mauvaise qualité nutritionnelle – aliments à forte densité énergétique et faible densité nutritionnelle (riches en lipides, sel, et/ou sucres) – et un manque d’activité physique ont particulièrement contribué au développement de cette maladie (voir encadré 1). Ces habitudes alimentaires sont le reflet des choix de chacun, mais dépendent plus largement de l’environnement alimentaire actuel qui n’encourage pas les individus à adopter un mode de vie sain. Comme l’a souligné la conférence EGEA 2018, faire changer les habitudes alimentaires nécessite une action globale et concertée pour que le choix le plus sain devienne le choix le plus simple et accessible pour les individus. Dans ce but, l’encadrement du marketing alimentaire est l’un des leviers importants.

Le marketing alimentaire, un des facteurs clés de l’épidémie d’obésité
Les stratégies promotionnelles de l’industrie alimentaire pour encourager la consommation d’aliments de mauvaise qualité nutritionnelle ont été identifiées comme un facteur clé de l’épidémie d’obésité. Les enfants et les adolescents y sont particulièrement sensibles (voir encadré 2). Face à ce constat, les autorités sanitaires internationales recommandent, depuis une dizaine d’année, une réduction du marketing sur la commercialisation de ces aliments à destination des enfants2. Cette mesure est également préconisée par différentes instances en France (Inserm3, Haut conseil de santé publique4, Inspection générale des affaires sociales5) et dans le récent rapport de la Cour des comptes sur la prévention et la prise en charge de l’obésité6. Actuellement, la loi Evin prévoit l’interdiction de publicité dans les programmes destinés aux enfants de moins de 12 ans sur les chaînes du service public. Au-delà, un principe d’autorégulation s’applique.

Plus de la moitié des publicités vues concernent des produits de faible qualité nutritionnelle
Dans ce contexte, le rapport de Santé publique France visait à évaluer l’exposition des enfants et des adolescents à la publicité alimentaire, avec une comparaison entre 2012 et 2018. Selon ce travail, la télévision reste le média le plus regardé par les 4-12 ans (1h28 par jour), devant Internet (53 min par jour). Les adolescents passent, quant à eux, 2h par jour devant Internet et 1h12 devant la télévision. Malgré une baisse de temps passé devant la télévision entre 2012 et 2018, le temps d’exposition à la publicité a, au contraire, augmenté. Autre enseignement de ce travail, les programmes jeunesse ne représentent que 0,1% des programmes diffusés et moins de 0,5% des programmes vus par les enfants. La tranche horaire comprise entre 19h00 et 22h00 (prime time) est ainsi la plus regardée pour toutes les tranches d’âge.
En termes d’investissements publicitaires, les produits alimentaires représentent 1,1 milliard d’euros et se répartissent majoritairement entre la télévision (60%) et sur Internet (20% à 30%). La restauration rapide, les chocolats et les boissons sucrées représentent un tiers de ces investissements.

Pour la première fois en France, l’étude de Santé publique France a mesuré le nombre de publicités vues à la télévision, selon le Nutri‑Score des produits et les tranches d’âges des spectateurs. Plus de la moitié des publicités alimentaires vues par les enfants et les adolescents concernent ainsi des produits de Nutri-Score D et E, c’est-à-dire de faible qualité nutritionnelle. En outre, l’augmentation du temps passé sur Internet par les enfants et les adolescents laisse présager d’une exposition bien plus importante que les données disponibles à ce jour ne permettent pas de mesurer.

Vers une interdiction de la publicité pour les produits nutritionnellement peu sains ?

Dans la mesure où de nombreux programmes diffusés aux heures de grande écoute sont vus par les enfants et les adolescents alors même qu’ils ne leur sont pas particulièrement destinés, Santé publique France préconise d’interdire la publicité, le placement de produits et le parrainage TV pour les produits ayant un Nutri‑Score D et E ainsi que les marques associées, pendant les tranches horaires où le plus grand nombre d’enfants et d’adolescents regardent la télévision. Trois options de plage horaires sont proposées selon la part d’enfants constituant l’audience. L’agence fait également des recommandations pour la publicité sur internet en distinguant le type de support publicitaire utilisé : achat d’espace, sites comptes et réseaux sociaux des marques et messages relayés par des influenceurs.
Enfin, Santé Publique France préconise de développer un nouveau dispositif de messages sanitaires dissocié du contenu publicitaire. Les messages sanitaires prendraient la forme d’un message de quelques secondes en début d’écran publicitaire et ne seraient plus associés à une seule publicité mais viendraient en amont de l’ensemble des publicités d’une même coupure publicitaire.

Ces recommandations vont dans le sens des conclusions de la conférence EGEA 2018 qui appellent à une révision des systèmes alimentaires pour garantir la santé de l’homme et de la planète. A l’heure actuelle, les signaux envoyés dans de nombreux environnements alimentaires n’encouragent pas des choix compatibles avec une alimentation saine. Les campagnes nationales d’information soulignant l’importance d’une alimentation saine, riche en fruits et légumes demeurent encore trop sporadiques face aux puissantes activités de marketing consacrées aux aliments ultra-transformés.

Encadré 1 – L’obésité, une épidémie mondiale liée à la qualité de l’environnement alimentaire
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d’un adulte sur dix et un enfant sur six est désormais obèse. En France, 17% des adultes et 4% des enfants de 6 à 17 ans sont touchés par cette maladie7. L’obésité impacte durement la vie des personnes et la santé de nos sociétés. C’est un facteur de risque vis-à-vis de nombreuses maladies chroniques – diabète de type 2, maladies cardio-vasculaires, certains cancers… – mais elle a également des conséquences sociales et psychologiques importantes sur les personnes. La cause fondamentale de l’obésité et du surpoids est un déséquilibre entre les calories consommées et dépensées. La consommation excessive d’aliments de mauvaise qualité nutritionnelle et un manque d’activité physique ont particulièrement contribué au développement de l’obésité. Ces comportements individuels dépendent plus largement de l’environnement alimentaire et sociétal dans lequel nous évoluons : qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire, prix et disponibilité de l’offre alimentaire, marketing au sens large (packaging, publicité, promotion etc.)…

 

Encadré 2 – L’impact du marketing alimentaire sur les enfants et les adolescents
D’après les connaissances actuelles , le marketing pour les produits gras, sucrés, salés est associé, chez les enfants et les adolescents, à :
– des attitudes plus positives à l’égard de ces aliments ;
– une augmentation des préférences gustatives pour les produits publicisés ;
– une augmentation globale de la préférence pour les produits gras, sucrés, salés quel que soit le produit ;
– une pression plus forte auprès des parents pour acheter ces aliments ;
– une augmentation de leur consommation et une consommation plus faible de produits favorables à la santé ;
– un poids plus élevé.

  1.  Organisation mondiale de la santé – Obésité et surpoids, principaux faits.
  2. Organisation mondiale de la santé. Recommandations sur la commercialisation des aliments et des boissons non alcoolisées destinés aux enfants. Résolution WHA63.14 de l’Assemblée mondiale de la Santé. Genève 2010. WHO.
    3. Inserm. Agir sur les comportements nutritionnels : Réglementation, marketing et influence des communications de santé. Collection Expertise collective. EDP Sciences, 2017, XVI‑413 p.
    4. Haut Conseil de la santé publique. Pour une Politique nationale Nutrition Santé (PNNS) 2017‑2021 – Septembre 2017. 168 p.
    5. Inspection générale des affaires sociales. Évaluation du programme national nutrition santé 2011‑2015 et 2016 (PNNS 3) et du plan obésité 2010‑2013, 2016. 151 p.
    6. Cour des comptes. La prévention et la prise en charge de l’obésité, novembre 2019. 157 p.
    7. Santé Publique France – Etude ESTEBAN 2014-2016 – Chapitre corpulence : stabilisation du surpoids et de l’obésité chez l’enfant et l’adulte.
    8. Rapport WHO/Europe – “Monitoring and restricting digital marketing of unhealthy products to children and adolescents” (2019)
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