Alimentation et impact environnemental : climat, eau et biodiversité

Royaume-Uni : modifier l’usage des terres agricoles au bénéfice de la biodiversité

Une récente étude britannique a comparé les effets sur la biodiversité de plusieurs scénarios de changement d’affectation des sols agricoles. L’hypothèse centrale de ce travail : une transformation de zones dédiées à l’élevage en surfaces variables de production légumière et couverts végétaux. D’après cette étude, quel que soit le scénario exploré, de tels changements seraient bénéfiques pour la biodiversité avec un plus grand nombre d’espèces augmentant leur surface habitable que d’espèces en perdant.

D’après plusieurs études récentes, le passage à un régime alimentaire incluant notamment, plus de fruits et de légumes et moins de protéines d’origine animale, est associé à la réduction de la mortalité due aux maladies cardiovasculaires et à certains cancers (Yip, 2019). Une telle évolution présente également des avantages pour l’environnement. En effet, l’évolution des habitudes et des systèmes alimentaires associés permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation des terres (Eustachio, 2021) et limiter les effets négatifs actuels sur la biodiversité (Leclère et al., 2020).

Les travaux sur ces questions ont essentiellement été menés à une échelle globale. Afin d’alimenter le débat et la mise en place d’actions à l’échelle nationale, des travaux spécifiques aux contextes locaux sont à présent nécessaires. Une récente étude britannique (Ferguson-Gow, 2022) s’est ainsi intéressée aux potentiels effets positifs associés à un changement de destination d’une partie des terres agricoles utilisées pour l’élevage (voir méthodologie).

Deux scénarios de changement d’affectation des terres agricoles testés

Etant donné que la production d’aliments d’origine animale nécessite plus de terres par kcal d’aliment produit que celle d’aliments d’origine végétale (Poore & Nemecek, 2018), réduire la consommation de viande et augmenter celle des fruits et légumes pourrait permettre de réduire l’utilisation des terres pour une même consommation calorique (De Ruiter, 2017).

Cependant, à ce jour, la grande majorité des Britanniques n’atteint pas les recommandations nationales de consommation de fruits et légumes (5 portions par jour). Ainsi, les scénarios explorés ont consisté, à la fois, à réduire la surface agricole dédiée à l’élevage, tout en augmentant celle dédiée à la production de légumes, afin de répondre à la demande croissante. Enfin, une part des terres initialement dévolues à l’élevage a été transformée en couverts végétaux. Deux hypothèses ont été explorées :

  • Un premier scénario de « Production exclusivement domestique » (DO) consiste à accroitre les capacités locales de production de légumes afin d’être en capacité de répondre à 100% des besoins de la population. Dans ce cas, 5% des terres actuellement dédiées à l’élevage seraient converties pour la production de légumes et 18% en couverts végétaux.
  • Un second scénario « Import et production domestique » (DI) consiste à augmenter la disponibilité des légumes en conservant le ratio équivalent entre import et production nationale. Dans ce dernier, 3% des terres actuellement occupées par l’élevage seraient dédiées à l’horticulture et 27% à la création de couverts végétaux.

Des gains pour la biodiversité via une tendance à l’accroissement des zones habitables

Afin d’évaluer les effets de ces changements sur la biodiversité, l’évolution des aires de répartition de plus de 800 espèces a été modélisée (voir méthodologie).

Pour chaque tranche de 10% de pâturage converti en horticulture, la surface habitable moyenne diminue de 1 à 2%. Au contraire, pour chaque tranche de 10% de pâturage converti en couverts naturels, la surface habitable moyenne augmente de 6%.
Ainsi, en moyenne, la conversion des pâturages en horticulture entraîne une légère perte de biodiversité, mais cette dernière est compensée par les gains résultant de la conversion des pâturages excédentaires en couverture naturelle.

Par ailleurs quel que soit le scénario considéré (production 100% domestique ou alliant import et production nationale), un gain potentiel de biodiversité est observé, avec davantage d’espèces gagnant en surface habitable moyenne que celles en perdant.

Selon ce travail, c’est pour le scénario DI – associant production nationale et import – que les gains potentiels pour la biodiversité sont les plus élevés (voir tableau 1). En effet, pour chaque espèce perdant >10% de surface habitable, environ 6,3 et 9,8 espèces gagneront >10% de surface habitable, avec le scénario DO et DI respectivement.

Les effets négatifs du changement climatique sur la biodiversité pourraient être atténués par des modifications de l’utilisation des sols

Le changement climatique a de fortes incidences négatives sur la biodiversité. En effet, en incluant le changement climatique dans les scénarios, la surface habitable moyenne passe de 28 % à 21 %, et le nombre d’espèces perdant de la surface habitable dépasse le nombre d’espèces gagnant de la surface habitable. Ainsi, pour chaque espèce gagnant plus de 10 % de surface habitable, 4,1 espèces perdront plus de 10 % de surface habitable, dans le scénario DO ; et 2 espèces dans le scénario DI.

Ces résultats montrent que le changement climatique entraîne une perte de surface habitable plus importante que tous les scénarios de conversion des terres. Cependant, comme le montre le tableau 1, les effets du changement climatique seraient atténués par les changements d’utilisation des terres associés à une modification du régime alimentaire. Ainsi, en prenant en compte les effets du changement climatique sans changement d’affectation des terres, la surface habitable moyenne est de 21 %. Elle s’élève à 23 % avec le scénario DO et à 25 % avec le scénario DI.

Scénario de conversion des pâturages

Surface habitable moyenne

Nombre d’espèces dont la surface habitable augmente de plus de 10 %

Nombre d’espèces dont la surface habitable augmente de plus de 10 %

Situation initiale : Pas de conversion des terres, pas de prise en compte des effets du changement climatique 0.283
Scénario DO, sans changement climatique 0.319 485 78
Scénario DI, sans changement climatique 0.343 599 63
Effets du changement climatique sans changement d’affectation des terres 0.205 23

649

Scénario DO, avec prise en compte du changement climatique 0.233 125 485
Scénario DI, avec prise en compte du changement climatique 0.253 213 406

Tableau 1: Modélisation des réponses de la biodiversité aux scénarios de conversion des terres et au changement climatique (Adapté de Ferguson-Gow et al., 2022)

En conclusion de ce travail, les auteurs indiquent que la meilleure option pour la biodiversité en Grande-Bretagne serait de maintenir le ratio production nationale/importation (scénario DI). Cependant, l’impact potentiel des changements de régime alimentaire au-delà des frontières nationales n’a pas été pris en compte dans l’étude. En outre, une association entre les changements d’utilisation des terres et une évolution vers des régimes alimentaires plus sains pourrait avoir des avantages pour la biodiversité et potentiellement augmenter la résilience au changement climatique. Le remplacement, en équivalent énergétique alimentaire, de la viande par des légumes pourrait réduire l’utilisation des terres pour la production agricole et libérer des terres pour d’autres usages.

Basé sur : Ferguson-Gow et al., Potential for positive biodiversity outcomes under diet-driven land use change in Great Britain. Wellcome Open Research 2022, 7, 147.

Messages clés
  • Le changement d’affectation des terres agricoles, lié à une augmentation de la consommation de fruits et légumes et une diminution de la consommation de viande, serait source de bénéfices pour la biodiversité : un plus grand nombre d’espèces augmenteraient leur surface habitable que d’espèces en perdraient.
  • Le maintien du ratio production nationale/importation est plus efficace que le recours exclusif à la production locale.
  • Les effets négatifs du changement climatique sur la biodiversité pourraient être atténués par les changements d’affectation des sols associés aux changements de régime alimentaire.
Méthodologie
Références
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