Comportements alimentaires et de mouvement : vers une prise en compte intégrée des recommandations de santé publique

7 juillet 2023

L’impact direct de nos modes de vie – alimentation, activité physique, comportements sédentaires et sommeil – sur notre santé physique et mentale est connu de longue date. Dans un article récemment publié, des chercheurs de l’Université Clermont Auvergne, accompagnée d’un panel d’experts, souligne la nécessité de mieux tenir compte des interactions entre ces différentes composantes. A travers ce travail, les auteurs suggèrent que l’élaboration de recommandations intégrées considérant l’activité physique, la sédentarité, le sommeil et les habitudes alimentaires constitue une approche efficace pour améliorer la santé globale de la population.

Les rôles du sommeil, de l’activité physique, de la sédentarité et de l’alimentation sur la santé ne sont plus à démontrer (Zhang, 2020 ; Chaput, 2020, Cao, 2022). Si de nombreuses recommandations ont été élaborées individuellement sur chacun de ces paramètres, elles ne tiennent toutefois pas compte de leurs relations et de l’influence qu’ils exercent les uns sur les autres.

Pour y palier, des chercheurs canadiens ont exploré les comportements de mouvement de manière globale afin d’identifier des profils de personnes en termes de qualité du sommeil et de niveaux d’activité physique et de sédentarité. Ce travail a notamment permis de formuler de nouvelles directives, les “24-Hour Movement Guidelines” (Tremblay, 2016). La littérature montre que le respect de ces recommandations pour les différents paramètres présente des effets très positifs sur la santé générale et ce, pour tout type de population (Clarke, 2021 ; Rollo, 2022). De plus, chacun de ces comportements a été associé aux habitudes alimentaires ainsi qu’au contrôle de l’appétit (Shin, 2018 ; Tambalis, 2018).

Dans ce contexte, une revue de la littérature récemment publiée dans le journal Nutrients (Fournier et al, 2023) évalue l’intérêt et la manière d’intégrer les recommandations nutritionnelles à celles du mouvement en tenant compte de leurs interactions.

Des recommandations en matière de mouvement peu respectées chez les enfants et les adultes

Les recommandations pour le mouvement sur 24 heuresCanadian 24-Hour Movement Guidelines – constituent les premières directives combinant à la fois le sommeil, l’activité physique et la sédentarité (Tremblay, 2016 ; Ross, 2020). Adaptées à chaque catégorie d’âge, ces recommandations fournissent un aperçu de ce à quoi devrait ressembler une journée saine de 24h et s’orientent autour de 3 grands axes (voir figure 1) :

  • Bouger plus : comprenant à la fois l’activité physique légère et modérée à intense (Suer – Bouger)
  • Bien dormir : durée et qualité du sommeil de sommeil, régularité du lever et du coucher ;
  • Réduire la sédentarité : limiter le temps sédentaire (temps d’écran récréatif par exemple) et interrompre régulièrement les périodes assises.

Figure 1 : Identité visuelle des recommandations canadiennes pour le mouvement sur 24 heures (d’après le site officiel 24-Hour Movement Guidelines)

D’après la littérature, la majorité des enfants – en particulier les adolescents, les filles et les enfants issus de pays faiblement développés – ne respecte pas ces recommandations (Tapia-Serrano, 2022). En grandissant, les enfants voient leur temps de sommeil et d’activité physique diminuer tandis que la sédentarité, et plus particulièrement le temps passé devant les écrans, augmente. La crise du COVID-19 n’a pas arrangé la situation et a renforcé cette tendance (Okely, 2021 ; Duncan, 2022). Or, les habitudes de vie développées pendant l’enfance peuvent être à l’origine de nombreux problèmes de santé à l’âge adulte comme l’obésité.

7.1% des jeunes respectent l’ensemble des recommandations, 19.2% n’en respectent aucune.
Tapia-Serrano et al. 2022

Comme observé pour les enfants, le respect des recommandations en termes de mouvement est relativement faible chez les adultes et varie drastiquement d’un pays à l’autre. Une étude a notamment identifié deux types de comportements bien distincts pendant la pandémie en France. Si la majorité des individus interrogés ont vu leur sédentarité augmenter au détriment de l’activité physique, certains ont davantage pratiqué une activité physique et cuisiné maison (Deschasaux-Tanguy, 2021).

Même constat pour les recommandations nutritionnelles

Si de nombreuses recommandations nutritionnelles ont été élaborées à travers le monde, elles diffèrent selon les pays. Comme observé pour les directives en matière de mouvement, ces recommandations sont peu respectées, toutes catégories de population confondues. C’est le cas notamment pour la consommation de fruits et légumes qui reste faible dans les pays développés, malgré leur rôle important dans la prévention des maladies métaboliques (Anand, 2015, Williams, 2020, Mokhtari, 2022).

42.5%

des enfants consomment quotidiennement des fruits en Europe (Williams et al, 2020).

33%

des adultes ne consomment pas de fruit et légume chaque jour (Williams et al, 2020).

12%

des adultes respectent la recommandation journalière des 5 portions en Europe (Williams et al, 2020).

Les habitudes alimentaires ont également été modifiées au cours de la pandémie du COVID-19. Les premières études rapportent à la fois une augmentation de repas fait-maison, de la consommation de fruits et légumes et de légumineuses mais également de snacks, de frites et de produits sucrés chez les enfants (Pourghazi, 2022). Chez l’adulte, deux tendances ont été observées :

  • Une augmentation de la consommation de snackings et des produits sucrés et diminution de la consommation de fruits et légumes et de poissons.
  • Un rééquilibrage de l’alimentation en augmentant la consommation de fruits et légumes et en diminuant celle de produits transformés, d’alcool et de produits sucrés (Deschasaux-Tanguy, 2021).

La nécessité d’élaborer des recommandations alliant comportements alimentaires et de mouvement

Il est aujourd’hui bien établi que le sommeil, l’activité physique et l’alimentation sont étroitement liés. De nombreux travaux ont notamment démontré que la régulation de l’apport énergétique et de l’appétit était influencée par l’activité physique et le sommeil. Toutefois, ces études portent souvent sur une seule composante et tiennent rarement compte des potentielles synergies et interactions.

Un nombre croissant de chercheurs s’intéressent ainsi à ces interconnections chez l’enfant. Certains travaux ont notamment démontré l’existence d’une association entre le nombre de recommandations respectées et de meilleurs habitudes alimentaires, caractérisées par une augmentation des apports en fruits et légumes et en céréales complètes et une diminution de la consommation de sodas et de snackings. Parmi les recommandations, la limitation du temps passé devant les écrans semble être la plus efficace pour promouvoir des habitudes alimentaires plus saines. En revanche, aucune étude n’a encore été menée chez l’adulte.

Ainsi, ce travail souligne la nécessité de mieux comprendre les potentielles interactions entre l’ensemble des composantes présentées afin d’optimiser les interventions et messages délivrés à la population. L’élaboration de recommandations intégrant à la fois le sommeil, l’activité physique, la sédentarité, les habitudes alimentaires, ainsi que leurs interdépendances, pourrait être plus efficace sur la santé qu’une approche segmentée.

NUTRIACTIF – Un projet pour mieux comprendre les interactions entre alimentation, activité physique et sommeil

NUTRACTIF est un projet conjoint à 3 structures : APRIFEL, le laboratoire AME2P de l’Université Clermont Auvergne (UCA) et Nutrifizz. Ce projet a pour principaux objectifs de conduire des explorations épidémiologiques pour mieux comprendre les interactions entre modes de vie et habitudes alimentaires ainsi que des études explorant la régulation homéostatique et neurocognitive de la prise alimentaire en fonction de l’activité physique et de la sédentarité. Le but final est d’élaborer des recommandations et des stratégies de prises en charge nutritionnelles permettant de lutter contre les dérégulations du contrôle alimentaire de la population.

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