Politiques publiques : un levier pour promouvoir une alimentation saine

Europe : améliorer les environnements alimentaires demande d’élaborer collectivement des politiques

Si les environnements alimentaires sont aujourd’hui reconnus comme des facteurs de risque majeur vis-à-vis de l’obésité et des maladies non transmissibles associées, les données relatives au déploiement de politiques sur ce sujet restent toutefois limitées. Afin combler cette lacune, une étude récente a évalué le niveau de mise en œuvre des politiques alimentaires dans 11 pays européens entre 2019 et 2021. Ce travail a notamment permis d’identifier les actions prioritaires à mener par les gouvernements pour créer des environnements alimentaires plus sains.

De nombreux travaux ont montré que l’augmentation de la prévalence de l’obésité et des maladies non transmissibles est associée à une exposition accrue à des environnements obésogènes (Swinburn, 2013). En effet, ces dernières années, la disponibilité et l‘accessibilité accrue de produits ultra-transformés, à forte densité énergétique, ont participé à la création d’environnements alimentaires obésogènes, en particulier pour les populations défavorisées (FAO, 2016). Par ailleurs, les conséquences d’une alimentation de mauvaise qualité entraînent des coûts directs et indirects considérables qui pèsent sur les systèmes de santé ainsi que sur les dépenses sociales (Commission européenne, 2018).

Dans ce contexte, les gouvernements constituent des acteurs majeurs pour élaborer des politiques visant à améliorer les environnements alimentaires et ainsi réduire les inégalités socio-économiques et de santé (Hawkes, 2013 ; Backholer, 2014 ; Harrington, 2020). En Europe, plusieurs initiatives telles que la stratégie “de la ferme à l’assiette” ou le plan d’Action 2014-2020 contre l’obésité – ont ainsi été envisagées afin de répondre à ces enjeux. Cependant, il n’existe à ce jour aucune évaluation globale et harmonisée de la mise en œuvre de telles politiques au sein de l’Union Européenne. Pour y palier, une étude récente (Pineda, 2022) a évalué l’élaboration et le niveau déploiement de deux types de politiques alimentaires (voir méthodologie) au sein de 11 pays européens

Des politiques encore peu déployées dans la majorité des pays étudiés

L’ensemble des pays inclus dans cette étude ont obtenu de meilleurs indicateurs de mis en œuvre pour les politiques visant à renforcer les infrastructures que pour celles visant à créer des environnements alimentaires plus sains.

La Finlande et le Portugal affichent notamment le taux de mise en œuvre le plus important en ce qui concerne les politiques relatives à l’environnement alimentaire (voir exemples tableau 1). A l’inverse, l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas et la Pologne ne disposent d’aucun indicateur de mise en œuvre élevée” pour ces politiques et l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne affichent la plus forte proportion d’indicateurs de politiques de prévention faiblement déployées (voir figure 1a).

Figure 1a: Proportion d’indicateurs de politiques relatives à l’environnement alimentaire dont la mise en œuvre est « très faible, voire nulle », « faible », « moyenne » ou « élevée » dans chaque pays étudié par rapport aux bonnes pratiques internationales (Pineda, 2022).

En matière de renforcement des infrastructures, le domaine de la santé est celui dont le niveau de mise en œuvre de politiques associées est le plus faible. L’étiquetage alimentaire ainsi que la vente au détail des denrées alimentaires sont également des politiques faiblement déployées dans l’ensemble des pays étudiés. La Finlande est le pays où le niveau de mise en œuvre -“élevé” et “moyen” – de politiques de renforcement des infrastructures est le plus élevé, suivie par l’Irlande (voir figure 1b).

Figure 1b: Proportion d’indicateurs des politiques de renforcement des infrastructures dont la mise en œuvre est « très faible, voire nulle », « faible », « moyenne » ou « élevée » dans chaque pays étudié par rapport aux bonnes pratiques internationales (Pineda, 2022).

Politiques Finlande Portugal
Composition des aliments Décret du ministère de l’Agriculture et de la Forêt : “Déclarer la teneur en sel de certains aliments” (10/2014)
Objectif : aider le secteur alimentaire et la conception de produits alimentaires industriels à atteindre les principaux objectifs des recommandations nutritionnelles
Engagement renforcé signé en mai 2019 entre la Direction générale de la santé, l’Institut national de la santé, l’Association portugaise des entreprises du secteur de la distribution et la Fédération de l’industrie agroalimentaire portugaise
Objectif : reformuler la teneur en sel, en sucre et en acides gras trans de divers produits alimentaires.
Marketing alimentaire  

Loi N° 30/2019 du 23 avril

Objectif : Restrictions de la publicité auprès enfants (<16 ans) d’aliments malsains dans les écoles, les aires de jeux publiques…
Prix des denrées alimentaires   Taxe douanière sur les boissons contenant des sucres ajoutés ou d’autres édulcorants (février 2017) avec une révision par la loi n° 71/2018 du 31 décembre – Budget de l’État pour 2019.
Approvisionnement en denrées alimentaires Lignes directrices nationales en matière de nutrition définies pour plusieurs groupes de population Législation sur la distribution de denrées alimentaires dans les écoles et dans les établissements de santé

Tableau 1 : Exemples de politiques mises en œuvre à un niveau élevé en Finlande et au Portugal

Quatre actions prioritaires pour créer des environnements alimentaires plus sains

De nombreux programmes déployés au cours des dernières années – tels que la stratégie “de la ferme à l’assiette” et le plan d’action de l’Union Européenne contre l’obésité infantile 2014-2020 – soulignent la nécessité d’élaborer des politiques alimentaires plus ambitieuses pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de nutrition.

Pour la majorité des pays inclus dans cette étude, les différentes actions recommandées concernent notamment les politiques d’approvisionnement en denrées alimentaires. Si les experts de chaque pays ont explicitement formulé et hiérarchisé des actions visant à améliorer l’environnement alimentaire et la santé publique, cette étude met en évidence certains points communs et identifie les principales actions politiques qui devraient être envisagées collectivement :

  1. Amélioration de l’environnement alimentaire dans les écoles

Les experts de 6 pays européens ont spécifiquement souligné la nécessité d’introduire dans les programmes d’enseignement des matières liées à la nutrition et à l’alimentation, ainsi que de proposer des repas scolaires sains. De même, l’importance de la réglementation et du contrôle de l’approvisionnement en denrées alimentaires sont soulignés.

2. Système d’étiquetage en face avant des emballages et règlementation des aliments transformés

Selon les experts de Pologne, d’Espagne et de Finlande, un étiquetage précis sur la face avant des produits emballés est nécessaire pour mieux informer les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des produits. Par ailleurs, les experts des Pays-Bas, d’Espagne, d’Italie et du Portugal insistent sur la nécessité d’agir sur la composition des aliments, notamment sur la reformulation des produits ultra-transformés, à forte densité énergétique et pauvres en nutriments – en éliminant par exemple les acides gras trans.

3. Taxation des aliments et boissons de mauvaise qualité nutritionnelle et subvention pour les fruits et légumes

Les politiques fiscales étant considérées comme un axe prioritaire et réalisable, les experts recommandent d’augmenter le montant des taxes, de taxer les aliments ultra-transformés (en complément des taxes portant sur les boissons sucrées) et d’affecter les recettes fiscales à des investissements pour la santé publique. Les experts irlandais recommandent également de subventionner les aliments sains – comme les fruits et légumes – afin d’encourager les habitudes alimentaires saines.

4. Restriction sur la commercialisation d’aliments malsains à destination des enfants

La majorité des pays considèrent l’interdiction de la commercialisation d’aliments malsains auprès des enfants comme une priorité. En effet, l’impact positif de cette mesure a été observé à Québec, où les taux d’obésité infantile sont plus faibles que dans d’autres villes du Canada.

Renforcement des infrastructures : la nécessité d’une collaboration étroite entre les parties prenantes

Afin de renforcer les infrastructures, les experts des différents pays recommandent de :

  • Faire preuve de leadership et d’engagement en matière de prévention de l’obésité et de politiques de santé publique (Irlande, Portugal, Norvège) ;
  • Allouer des fonds et des ressources pour instaurer une éducation nutritionnelle (Allemagne, Norvège, Pologne) ;
  • Proposer des campagnes et des supports au grand public (Estonie),
  • Rembourser les consultations auprès des diététiciens (Pologne) ;
  • Intégrer un programme d’alimentation saine dans les services de soins de santé primaire (Portugal).

Il est également nécessaire de favoriser la collaboration et le transfert de connaissances entre le gouvernement, la société civile et les experts en santé publique, et de soutenir les autorités locales.

Basé sur : Pineda E et al. Policy implementation and priorities to create healthy food environments using the Healthy Food Environment Policy Index (Food-EPI): A pooled level analysis across eleven European countries. Lancet Reg Health Eur. 2022 Nov 16; 23:100522.

Méthodologie
Messages clés
  • Les experts nationaux des pays européens ayant participé à cette étude considèrent que les politiques relatives à l’offre alimentaire, la promotion, la vente au détail, au contrôle du financement et à la santé constituent les enjeux les plus importants des politiques.
  • En ce qui concerne la transition des systèmes alimentaires, il est urgent de mettre en œuvre des politiques et de renforcer les infrastructures priorisant des environnements alimentaires sains afin de lutter contre le fardeau de l’obésité et des maladies non transmissibles liées à l’alimentation en Europe.
  • Pour prévenir l’obésité et les maladies non transmissibles, il est nécessaire de se concentrer sur les populations vulnérables, notamment les enfants et les personnes défavorisées.
Références
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